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Nov 30

Les droits de l’enfant remis en cause ? L’exemple de l’adoption (1ère partie)

 Par Hatem KOTRANE 
Invité de l’émission Saraha Raha, diffusée lors de la soirée du 29 octobre 2011 sur Hannibal TV, M. Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, a dit vouloir «rassurer» les Tunisiens en répétant que son parti, large victorieux des élections de la Constituante du 23 octobre dernier, était attaché aux acquis de la Tunisie en matière de droits de la femme et qu’il n’avait nullement l’intention d’appeler, en particulier, à un retour à la polygamie ! En revanche, il a clairement laissé entendre que l’institution de l’adoption serait abolie !


D’aucuns penseraient qu’il vaudrait mieux passer sous silence ces propos de peur de les voir se répéter, tant il est vrai que les Tunisiens sont obnubilés par la question, à leurs yeux plus importante et plus cruciale, des acquis en matière de droits des femmes et par le souci, partagé par la plupart des militants des droits humains, d’en proclamer le caractère intangible. En témoigne l’attitude de l’animateur de l’émission qui a tout entrepris pour amener son invité  à élucider clairement sa position sur la question de la polygamie et ne s’est guère préoccupé, en revanche,  des conséquences attachées à l’intention manifestement exprimée par ce dernier  de réviser la loi sur l’adoption en portant son abolition pure et simple et son remplacement, en tant que mode de protection des enfants abandonnés, par la Kafalah, institution plus respectueuse de la Charia! Il dit suivre sur ce point ce qu’aurait proposé récemment, dans une autre émission télévisée, Mme Salwa Charfi, universitaire et journaliste bien connue pour ses positions en matière de défense des droits de l’homme.
Les intentions ainsi ouvertement affichées par M. Ghannouchi nous paraissent de nature à porter atteinte à un des acquis majeurs de la Tunisie indépendante, qui la place à l’avant-garde de ce que les pays ont fait de mieux en matière de protection des droits de l’enfant. 
Au-delà du terme regrettable «Laqit», c’est-à-dire bâtard malencontreusement utilisé par M. Ghannouchi pour désigner la catégorie des enfants abandonnés et qui est empreint de stigmatisation à leur égard, la position ainsi affichée vis-à-vis de l’adoption rappelle la même proposition avancée par le même courant de pensée politico-religieux en début de l’année 1988 appelant, déjà à cette époque,  à abolir l’adoption ! Il me souvient que, invité par la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme à donner une conférence à ce sujet au siège de la Ligue à Tunis, j’avais alors personnellement appelé à défendre l’adoption, position rééditée dans un article paru le lendemain dans le journal La Presse, intitulé «Enfants abandonnés et adoption». 

La loi du 4 mars 1958 autorisant l’adoption n’est pas réductible à une affaire de spéculation idéologique et politique !


L’Histoire est un éternel recommencement. Nous revoilà  en position de rappeler que le législateur tunisien a, très tôt, été sensible à la question des enfants abandonnés. Cela l’a amené, en particulier, à adopter, moins de deux ans après la promulgation le 13 août 1956 du Code du statut personnel (CSP), la loi  n°58-27 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption, qui constitue certainement une œuvre capitale et un acquis majeur distinguant la Tunisie de l’ensemble des pays arabo-musulmans.
Cette œuvre, intervenue 31 ans avant l’adoption, le 20 novembre 1989, de la Convention des droits de l’enfant par l’Assemblée générale des Nations unies, est pourtant de nouveau menacée au point de figurer comme première grande réforme ainsi annoncée pour la Tunisie post-Révolution. Pourquoi tant d’hostilité envers cette institution, souvent mal présentée par les juristes eux-mêmes ? Elle serait, à l’instar de l’abolition de la polygamie, de la suppression de la répudiation unilatérale et son remplacement par le divorce judiciaire, la marque du législateur de l’indépendance de réaliser une certaine rupture avec le droit musulman classique.

Une telle présentation est, en réalité, trompeuse ! 

— Elle ignore, d’abord, que bien que prohibée par le fiqh, l’adoption était pratiquée en Tunisie bien avant l’indépendance à la faveur d’expédients juridiques ou hiyâl destinés à contourner la prohibition à laquelle la société refusait de se soumettre en pratique.  Cela tenait, concrètement, à établir un lien de filiation véritable en fabriquant un faux état civil ou en provoquant de toutes pièces un procès qui, mettant en cause le prétendu nassab, aboutissait à un jugement confirmant la filiation paternelle préalablement mise en cause. Autant de manœuvres permettant de redonner à l’adoption tout son intérêt : faire rentrer dans un lignage une personne qui lui est étrangère et lui donner le statut juridique d’enfant légitime.
- La présentation couramment faite de l’adoption méconnaît, ensuite, les origines immédiates de la loi du 4 mars 1958. Alors que le législateur voulait manifestement, par le CSP de 1956, afficher l’attachement de l’Etat nouveau aux valeurs de la liberté et de l’égalité entre l’homme et la femme en s’inscrivant incontestablement dans une politique de modernisation du pays, c’est plutôt la réalité sociale et objective qui a été à l’origine directe de ladite loi du 4 mars 1958 instituant l’adoption et qu’il serait fallacieux de ramener à une affaire de spéculation idéologique et politique.
Cela a commencé avec l’éclatement des anciennes solidarités qui ont subi le contrecoup des mutations profondes provoquées par l’exode rural.
L’hiver 1955-1956 est marqué par un froid rigoureux. Deux enfants sont trouvés morts dans la rue. L’opinion publique s’émeut. Des organisations publiques et privées vont chercher à recueillir ces déshérités dont le nombre va très rapidement s’élever à plusieurs milliers. Au mois de mars 1956, le principe d’une prise en charge par l’Etat est admis. Le 30 juin 1956, un décret résout le problème du financement par la création du Fonds national de l’enfance.
En 1957 est crée au Bardo le Centre Erradhi (le nourrisson) qui prend en charge les bébés. Un peu plus tard, en juillet 1958, les pouvoirs publics ouvrent à Ksar Saïd le Centre Slaheddine Bouchoucha, devenu plus tard Institut national de protection de l’enfance. 
Le rappel de cette succession d’évènements factuels permet, ainsi, de replacer la loi du 4 mars 1958 dans son cadre historique réel qui en fait un aboutissement normal du processus de prise en charge des enfants abandonnés par l’Etat. 
Plus d’un demi-siècle après, l’adoption, phénomène dérivé, apparaît comme une des voies assurant aux enfants abandonnés et privés de leur milieu familial le droit à une protection de remplacement, laquelle peut, aux termes de l’article 21 de la Convention relative aux droits de l’enfant,  «...notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié...».
La loi du 4 mars 1958 était ainsi largement prémonitoire et inspirée et se trouve, encore aujourd’hui, en totale conformité avec l’article 21 de la Convention relative aux droits de l’enfant précité, en offrant diverses formes de prise en charge des enfants abandonnés : la tutelle publique, la tutelle officieuse (kafalah) et l’adoption, auxquelles est venu s’ajouter le placement familial, à la faveur de la loi n°67-47 du 21 novembre 1967, relative au placement familial, qui offre une solution transitoire en faveur des enfants, en ce sens que la famille qui accepte le placement reçoit une aide matérielle de l’Etat et assure, en contrepartie, la garde de l’enfant et son entretien et veille à son éducation pendant la durée convenue et aux termes de laquelle ce placement pourra «... se transformer en tutelle officieuse ou même, éventuellement en adoption, conformément à la loi du 4 mars 1958» (article 2 de la loi de 1967).

L’adoption est une réponse du droit de l’enfant abandonné à la vie !


En dépit de la multiplication des modes de prise en charge des enfants abandonnés, l’observation montre que la tutelle officieuse (kafalah) comme le placement familial ne semblent pas recueillir suffisamment la faveur des familles tunisiennes. Encore peu de cas sont recensés d’année en année, en comparaison de l’adoption pure et simple. L’explication peut en être trouvée dans l’attitude des familles tunisiennes préférant s’assurer, par le moyen de l’adoption, un véritable lien de filiation. Quant aux enfants qui ne sont ni adoptés ni placés en kafalah ou autre forme de placement familial ni repris par leurs parents d’origine, ils sont généralement contraints au placement en institution et ainsi condamnés quasi-inéluctablement à l’inadaptation sociale, aux maladies et aux handicaps les plus divers. Et quels que soient les efforts louables consentis par l’Etat et les structures spécialisées relevant du réseau associatif, l’abnégation et le sens des responsabilités morales et sociales dont font montre les différents groupes professionnels en charge des enfants dans les institutions de placement, celles-ci offrent une triste réalité et on y a souvent impression d’anonymat, d’abandon, de misère humaine, et d’aucuns parleraient d’impression carcérale, tant il est prouvé que la carence de soins maternels entraîne chez l’enfant placé en institution des dommages graves et durables, qui affectent son développement, modifient son caractère et handicapent toute sa vie future. 
C’est dire qu’au-delà des recommandations et améliorations qui peuvent être constamment suggérées, ici et là, en vue d’améliorer le rendement des différentes formes de placement, une conclusion majeure s’impose : l’adoption demeure, dans la situation actuelle, la chance ultime permettant au plus grand nombre d’enfants abandonnés d’assurer durablement leur droit à une protection de remplacement, voire leur droit à la vie tout court !

source: lien

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